Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 décembre 2008 4 11 /12 /décembre /2008 10:31
Quelqu'un hier m'a dit : "Quand quelqu'un pleure, c'est qu'il souffre." Ah ah ah. Eh bah ça va mieux en le disant. C'était parce qu'avant quelqu'un d'autre m'avait jetée parce que j'étais sensible. Et que dixit "c'est un défaut". Quelques jours auparavant, une autre personne m'avait dit : "Nous, nous souffrons de porosité psychique." On entend des mots et on les entend vraiment, ils rentrent dans notre cerveau et ils nous font quelque chose. Certains mots tuent l'âme de certains. C'est nous, les poreux psychiques, qui sommes anormales. Ca veut dire que nous vivons dans un monde où il ne faut pas être sensible, ne pas écouter ce que les autres nous disent, où donc il faut vivre sans vivre c'est-à-dire sans utiliser quelques outils formidables de l'être humain (l'attention, l'écoute, l'emphatie, l'intelligence, la finesse, la relation à l'autre). Bonjour le refoulement et le déni. Pas de désir, pas de larmes, pas de coeur, pas d'amour. Il reste encore des fous qui savent que les larmes peuvent signifier de la souffrance, de l'expression, de l'émotion. L'autre jour, je donnais un cours sur Machiavel. Il a parfaitement exprimé les rouages des relations humaines : c'est la guerre, alors il faut adopter une stratégie guerrière. L'autre en face est potentiellement mon ennemi, il n'est pas potentiellement mon amant, mon aimant, une âme-soeur (c'est là où moi je suis malade).

J'avais décidé de ne pas refouler alors j'ai posé les mots sur la situation, j'ai posé mon coeur, mes tripes, mes larmes sur la table, j'ai dit : "Je suis un être humain". Pour la première fois de ma vie. Dans certains pays, à certaines époques, je serais tuée pour ça. Une femme doit se taire, se soumettre, ne pas contester la parole de l'homme (je l'ai lu dans un manuel que j'ai vu dans mon quartier : "comment être une bonne épouse musulmane"). Ses larmes, ses cicatrices et ses saignements : y'a des tissus pour voiler tout ça. Aujourd'hui je suis tuée psychiquement. On appelle ça un meurtre psychique. Parce que j'ai commis une erreur : j'ai été vivante. Et j'en suis fière. Je n'ai pas gagné la bataille, mais je vais gagner la guerre. C'est-à-dire que je ne vais pas perdre mon âme, je ne vais pas refouler, je ne serais pas dans le déni. Ou du moins je vais essayer. Et ensuite je vais écrire. Quand j'aurais arrêté de pleurer. Et je vais arrêter de pleurer. Peut-être ai-je déjà arrêté de pleurer. Je descends dans les rues de mon quartier avec ma capuche sur la tête et un foulard sur mon visage. Personne ne verra si j'ai arrêté de pleurer. Je sais en définitive que c'est une grande chance d'être sensible, d'avoir un coeur et un cerveau et des mots pour le dire. C'est une vraie force et du courage de pleurer face à quelqu'un. C'est de la confiance. Faut dire que je suis un peu conne d'avoir confiance alors même que je lis Machiavel. Faut dire que je vois et sens tellement de belles choses, du plaisir dans plein de détails, que je danse pour un rien sur le macadam, que mon sourire déborde de mon visage pour quelques broutilles, que je sens mon coeur si gros dans ma poitrine quand j'accueille la libération des carcans en un clin d'oeil. Ma sensibilité m'a ouvert les portes du plaisir, de la jouissance, de l'écriture, de l'amour en toutes circonstances ; en Iran, en Inde, à Barbès. Et je crois que personne ne me prendra plus jamais ça même si je suis seule avec ma porosité psychique dans ce monde de zombis. Mon mentor si chou m'a écrit plusieurs fois que j'étais faite pour le bonheur, que j'avais tout dans ma poche : que j'étais jolie, intelligente avec une capacité incroyable d'aimer et un talent certain quand mes doigts tapent sur mon ordinateur. Faite pour le bonheur, bannie pour crime de sensibilité. 

Ils n'ont pas de coeur et ils en sont fiers. Ils sont impuissants et ils en sont fiers. Ils n'ont pas de couilles et te donnent des leçons de morale. Alors vous savez comment ils entrent, la tête baissée, dans des camps d'entraînement en Afghanistan. On ne peut pas leur en vouloir : ils sont conditionnés par l'autorité. Il faut bien qu'ils mettent leur refoulement quelque part, la jouissance à laquelle ils n'ont pas accès, l'amour coincé dans leur cage thoracique, là exactement où ils mettront les explosifs parce qu'il ne peut pas y avoir rien. Là où il n'y a pas eu l'amour, on leur a mis la haine. C'est toujours quelque chose. Et il faut quelque chose, même n'importe quoi. La haine toujours mieux que le vide. Freud a dit qu'on retombait amoureux pour ne pas devenir fou. Ils ne tombent pas amoureux, l'autorité leur a interdit, leur a fait peur. Ils deviennent fous. Ils se croient ainsi protégés, le refoulement fait le travail : les dégâts viendront plus tard. Comme une bombe à retardement. Jésus avait peut-être précédé Freud : il a dit que là où il y avait rien, il fallait mettre l'amour sinon immanquablement la haine s'y logerait. C'est bien sûr un très long travail, un vrai travail. Les propos de Jésus et de Freud se vérifient tous les jours. Mes larmes, ma confiance, c'était pour ne pas devenir folle. Suite au bannissement, j'ai repris mes effets et hop ! je suis repartie sur la route. Masquée, voilée, insoumise à leur haine. Moi je te dis ils feraient mieux de baiser tous ces mecs. Ca leur ouvrirait leurs chakras verrouillés. C'est quand même plus sain et plus naturel de s'exploser au pieu que par dynamite. Je suis sûre que toutes les éjaculations manquées se cristallisent en attentats réussis. C'est tellement simple, mon Dieu. Mais pour l'instant quand tu leur tends la main, ils la mangent. Faut dire que ça rend nerveux de ne pas faire l'amour. 

Quelqu'un m'a dit : "Quand quelqu'un pleure, c'est qu'il souffre." Merci pour cette parole. Mais eux ne pleurent pas. Pas encore. 
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Navaraanaq
  • : Je suis écrivain
  • Contact

Recherche