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6 avril 2009 1 06 /04 /avril /2009 11:54

Hier soir, quelqu’un m’a dit que j’étais une bonne personne. Par sms.

J’ai pleuré comme une madeleine. Mais je ne lui ai pas dit. J’ai rien dit. J’ai remercié les sms d’être silencieux.


J’avais relu les cahiers que j’avais écrit ces dernières années pour pouvoir survivre à l’incroyable expérience que je vivais. J’étais sidérée face à ce que je subissais. J’étais aveuglée, je ne voyais pas, mais j’écrivais pour pouvoir voir inscrit ce que j’expérimentais. Mais je ne voyais pas. Toujours pas.

Hier j’ai sorti ces pages, je n’ai pas pleuré face à la violence que je lisais, je ne pouvais toujours pas réaliser que j’étais le personnage qui avait vécu ce que je lisais et encore moins que c’était ce même personnage qui avait écrit ces pages. C’est pourtant mon écriture et je me souviens des faits. Il y a un mécanisme qui fait que je décale.

L’autre jour, j’entendais une biographe de Virginia Woolf dire que pour Virginia, tout ce n’est pas inscrit n’existe pas. J’ai compris la phrase en relisant les cahiers, c’est inscrit, donc ça a existé. Et c’est pour cela que j’ai passé autant d’heures à écrire ce que je ressentais parce que j’étais perdue dans sa manipulation, le nez collé à la vitre.

J’ai compris aussi que je n’avais rien fait de mal. La seule chose que je n’ai pas su faire, c’est de ne pas savoir me protéger, protéger ma personne, protéger ma bonne personne parce que je ne pensais pas qu’elle existait. Je croyais l’autre quand il disait que j’étais mauvaise, que c’était de ma faute si je pleurais, si tout cela arrivait. Quand il disait que j’étais une pute, une salope et que je devais être remise dans le droit chemin.

Je réalise que si j’ai accepté ce discours, c’est que j’ai été élevée dans le même. Qu’il m’a formée.

Alors quand quelqu’un me dit que je suis une bonne personne, c’est comme si j’entrais dans un autre monde. Ca m’a fait un réel choc. Je n’ai même pas de mots pour l’état dans lequel j’étais hier. Je ne sais pas si c’était douloureux ou pas. J’ai compris que l’autre, celui des cahiers, savait que j’étais une bonne personne, mais qu’il faisait tout pour que je ne le sache pas. Mes larmes, c’était comme l’apparition d’une révélation énorme, une véritable révolution copernicienne. La terre n’est pas plate, elle est ronde… jusqu’à nouvel ordre. C’est, je crois, une chose inexplicable à ceux qui ne savent pas ce que c’est de vivre en se croyant une mauvaise personne pendant que des gens, sachant ma douceur, exploitent cette impression négative que j’ai de moi. Mais une douceur sans force, c’est si facile à manipuler, à trafiquer, à pomper. Mais je comprends que la force et la douceur dans le même shaker, ça doit permettre de faire avancer le voilier que je suis, et d’aller droit devant. Et d’être un sujet digne de ce nom. J’ai comme le droit de vivre.

C’est dans ces conditions que je commence la lecture de Michel Foucault, L’herméneutique du sujet, qui traite de ce concept socratique (qui existait avant Socrate) qui est le souci de soi (s’occuper de soi) plus important que le « connais-toi toi-même », qui a disparu (le souci de soi) avec au 4ème siècle de l’ère chrétienne, on imagine pourquoi. Nietzsche en a bien parlé : on a asservi les gens à la « bonne » morale du sacrifice de soi pour l’autre.

Foucault me fait un bien fou, c’est comme si je me retrouvais (à la maison) après une errance de trente-huit ans. Je tente de m’occuper de cette personne qui est moi, et sans doute si je m’en occupe bien, je serai à même de voir la bonne personne en elle et aussi la mauvaise, mais pas que la mauvaise. Alors, je pourrai m’occuper des affaires de la cité.

Et écrire, car je commence à comprendre comment ça fonctionne l’exploitation d’autrui par autrui. La violence est possible parce qu’on n’apprend pas à s’occuper de soi, là Michel Foucault est fabuleusement clair, précis et généreux, et que si on ne nous apprend pas à savoir nous soucier de nous, c’est un choix politique des pédagogues, des politiques, des religieux. Socrate a dit avant de mourir : « Si je meurs, qui dira aux jeunes qu’ils doivent s’occuper d’eux ? » Bah, personne et nous sommes restés des jeunes abandonnés pendant plus deux mille ans. Voilà pourquoi des manipulateurs ont un autoroute devant eux, ils savent que nous n’avons pas cette force que procure l’estime de soi, le souci de soi qui nous permettrait d’être solides. Ils savent reconnaître les petites filles qui n’ont pas acquis cette colonne vertébrale, car nous ne naissons pas avec. Cette longue et précieuse tradition du souci de soi aboutit à une défense du sujet. Elle est fournie en indications, c’est une véritable éducation, une arme, une protection d’un prix incroyable. Mais voilà, elle doit être enseignée, reçue, transmise. Socrate parle de l’amour des aînés qui n’existe pas puisqu’ils n’enseignent pas aux jeunes comment se soucier d’eux afin de devenir des bons politiques. Ces aînés ne font qu’abuser des jeunes parce qu’ils sont beaux, mais les laissent démunis sans la transmission. Le manipulateur a tout fait pour que je n’ai pas l’énergie de m’occuper de moi, mais il a pu arriver dans ma vie parce que j’avais des trous dans le cerveau et le cœur.

Avec le travail dans la grotte, je sais ce qui me fait jouir, je sais jouir, je vais savoir écrire et avoir des étincelles dans les yeux quand mes doigts tapent sur le clavier de l’ordinateur, parce que j’ai toujours eu des étincelles. On m’a juste dit que c’était mal d’avoir des étincelles. Je sais que l’amour c’est de dire à l’autre qu’il doit s’occuper de lui, avoir du souci pou lui, pour qu’il ait un self, qu’il soit un sujet et sujet, il pourra avoir accès à la liberté. La liberté du sujet. Et là, ma toute-puissance est alors relative, elle se transforme en amour.

Je comprends la phrase de mon mentor : « Vous êtes dessinée pour le bonheur. » Mais je ne l’entends et la comprends que maintenant.  
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commentaires

M
Tiens Fred ! Je ne pensais pas que tu étais encore là. Merci pour tes mots.
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F
Bienveillance de toi à toi, Marie. Qui tu es, c’est parfait, c’est toujours, à chaque instant, un bon début.
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A
Marie ,quand tu relis les vieux cahiers ,vas-y doucement ,car c'est extrèmement violent pour le sousbassement affectif quand on se replonge dans ce genre de souvenirs .
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