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27 mai 2009 3 27 /05 /mai /2009 09:49
un film de Johnny To avec Johnny Hallyday...

Ne lisez pas ces lignes si vous voulez le voir et que vous ne l'avez pas vu. 

Beau film : cela fait tellement de bien un réalisateur qui a remarqué que le cinéma, c'est des images !  De la mise en espace, des images qui se suivent ! avec de la lumière dedans.

Et ouhaouh, la problématique. C'est si vaste, ce concept de vengeance, c'est si passionnant et on ne se lassera pas d'en faire des livres, des films, des traités de philosophie, des chansons des rap...  d'en faire des insomnies de ce sentiment qui nous entre dans la peau. Et le cinéma, c'est important qu'il traite de la violence et de la vengeance. Car n'en déplaise aux journalistes de France 2, cette problématique existe bien avant le cinéma et les récits mythologiques, les contes d'ailleurs, la Bible, c'est trash aussi. Parce que nous expliquer que la violence des jeunes braqueurs vient du film Scarface, c'est juste ne pas avoir de culture. C'est juste un acte de propagande. On n'a jamais fabriqué une société bonne en racontant des histoires télétubbies. Faut arrêter de déconner. Faut arrêter de prendre les petits délinquants pour des cons. (même s'il y a beaucoup de cons chez eux, mais comme partout ailleurs : les gens que je vois au guichet  de la caf, de l'anpe, de la sécu ne m'ont jamais éblouis par leurs compétences, leurs gentillesses et leurs intelligences et pourtant c'est moi et vous qui les payont).

Et un homme qui existait avant Brian De Palma et Francis Ford Coppola, Nietzsche parle très bien de la violence, de la vengeance et là je cherche mon livre La généalogie de la morale et je ne le trouve pas donc je suis un peu bloquée. Il met bien en relation la mémoire et la vengeance. Et le ressentiment. On intériorise la vengeance, on intériorise la violence et on fabrique du ressentiment : on pourrit de l'intérieur. et les chrétiens sont très forts pour ça : théorie de Nietzsche. ce sont les Dieux du Prozac, du suicide, de l'intériorité, de "faut ronger son frein" car le problème, c'est toi, l'individu. On paie en avance. On paie pour la jouissance qu'on n'a pas encore connue et que du coup, on ne connaîtra peut-être pas. C'est la dette en avance... parce qu'il y a la mémoire. 

Et si on se disait qu'ils braquent parce qu'ils ne sont pas assez violents. Beaucoup ne viennent pas du monde de la culpabilité. Et oui, puisque c'est une création qu'on a rentrée dans le crâne de génération en génération (et pis quand tu es une femme, c'est pas mal). 

En lisant Nietzsche, on peut se demander pourquoi certains martèlent autant la mémoire dans nos têtes, pourquoi ils nous rappellent sans cesse certains événements plutôt que de balayer tout ça pour passer à autre chose : ils fabriquent du ressentiment. Nietzsche en parle très bien. Johnny To me semble une superbe illustration de ça, il met en regard la mémoire et la vengeance. La maladie de la commémoration est à analyser (d'ailleurs on commémore des choses et pas d'autres, c'est ça qui est intéressant et surtout ça a un rôle politique).

A propos de commémoration, voici la petite cerise : j'aimerais savoir si c'est vrai que Johnny va s'empocher 500 000 euros cash de la part de l'Etat (qui paie son concert 1 millions d'euros) pour chanter à la fête du 14 juillet. L'Etat, c'est nous, c'est notre argent. Mais ça choque moins les journalistes que la poignée de mains de Dieudonné avec Le Pen. 

500 000 euros de nos impôts pour un homme (et son équipe)... et c'est génial car Johnny, lui, ne paie pas d'impôts car il vit en Suisse. Bah oui, il est pas con, il ne va pas se payer. Enfin quand tout le monde sera au chômage et que plus personne ne paiera d'impôts, on s'en foutra de la morale (celle de la généalogie de Nietzsche : on arrêtera de culpabiliser, de ressasser, de ruminer, de re-ssentir - c'est bien la fonction de la mémoire) et on deviendra barbares !!! comme dans le film de Johnny To : on mourra pour ses amis, on mangera du riz au bord de la plage et les femmes continueront à enfanter. 


 
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26 mai 2009 2 26 /05 /mai /2009 11:24
Elles en parlent mieux que moi ! et c'est assez éblouissant et c'est un thème tellement présent dans notre société. Ca me rappelle un psy et une autre amie qui me soûlaient avec ce principe d'autonomie. Que je relativisais souvent d'un point de vue philosophique. Comme quoi tout est relatif et tout est créé. Les valeurs changent selon le monde, l'époque, le milieu dans lequel nous évoluons. Mais elles en parlent mieux que moi : c'est beaucoup plus compliqué que ça. Passionnant car dans notre quotidien, la question de l'autonomie se pose tous les jours. C'est bon la philosophie parce que c'est en mouvement, et ça me calme parce que philosopher me rassure : je me sensà la maison, entourée, contenue. Cela pourrait sembler contradictoire : mouvement et fondement. C'est comme la mer, regarder les vagues et se perdent dedans : jamais pareille, toujours présente. 

L'autonomie avec Autrui, vers Autrui et non contre Autrui. Cela renvoie aux pulsions et en arrière-plan à la toute-puissance, la reconnaissance, à la relation d'aide à Autrui. Et aux règles et à la liberté. Etre autonome, est-ce savoir respecter les règles ou sortir de ce formalisme ? 

Elles, c'est Sandra Laugier et Marlène Jouan dans 

Comment penser l'autonomie ? : entre compétences et dépendances (PUF, 25 février 2009) 


Vous pouvez écouter l'émission en la podcastant sur le site de France Culture : la suite dans les idées le mardi 26 mai de 11 heures à 12 heures. 
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21 mai 2009 4 21 /05 /mai /2009 22:03
J’ai réfléchi après une longue conversation avec quelqu’un qui dénonçait l’attitude de Dieudonné. Il disait que le ressentiment par rapport à son trauma l’avait conduit à des démarches critiquables liées au ressentiment qu’il ne surpassait pas en quelque chose de positif. Pour dépasser le trauma, il faut qu’il y ait reconnaissance du trauma. Or ce que certains dénoncent dans l’actuel sionisme, c’est d’exploiter le ressentiment vis-à-vis de la Shoah pour s’en servir politiquement à d’autres fins, comme détruire le peuple palestinien. Ce que certains reprochent, c’est de s’accorder le droit à mépriser l’Autre au nom de leur trauma. C’est la fameuse histoire des gens qui ont été des enfants battus qui battent leurs enfants. Beaucoup de Juifs (dont des Israéliens) sont conscients de ça et sont sidérés (excusez-moi d’enfoncer des portes ouvertes). Eux-mêmes souffrent de la politique israélienne. Ce que j’entends dans Dieudonné, c’est qu’il dit que le trauma ne peut pas fonder une politique. Le trauma ne donne pas des passe-droits, un traitement différent, un traitement de faveur. Or c’est le cas. J’ai un copain qui s’est fait taper par des Juifs (kipas) parce qu’il porte un T-shirt propalestinien devant des flics. Et les flics ne sont pas intervenus. Quand mon copain a été voir les flics, ils ont dit qu’ils ne pouvaient pas intervenir dans ce cas-là. Inverser la situation : vous avez un T-shirt pro-Tsahal, des Arabes vous tabassent. Imaginez la réaction des Keufs. Différencier la provenance de la victime, la sanctifier comme victime, la nommer victime est un procédé malsain utilisé dans le monde politique actuel. La dénonciation de la politique de Kouchner par Péan rejoint ça. Kouchner nous dit qui est bon, qui est méchant au nom du nombre de morts alors que la politique ne se fonde pas sur la morale. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi on n’a pas le droit de dire qu’on est en désaccord avec certains politiques de certains pays. Enfin, si, je comprends quelles sont les fins politiques, pourquoi Kouchner instrumentalise la douleur des peuples qui l’arrange et ignore d’autres, pourquoi le sionisme a utilisé la douleur de peuples pour dominer d’autres. C’est de la guerre, c’est la politique.

Quand Dieudonné veut faire un film sur la traite des Noirs et que le CNC lui répond : « Ce n’est pas un sujet de film », il a le droit d’être offusqué parce que cela renvoie à la non-reconnaissance. Quand les gars du Betar entrent dans un spectacle de Dieudonné en criant « Sale nègre », c’est de la haine. Et quand les journalistes n’accordent de l’importance à Dieudonné uniquement quand il sert la main de Le Pen, je ne sais pas comment ça s’appelle. Ce qu’il dit, c’est qu’il y a des gens qui haïssent les procédés de Le Pen (moi aussi rassurez-vous) mais parmi ces gens, certains adulent des gens qui utilisent les mêmes procédés que Le Pen (et ça je n’en suis pas ! J’essaie en tout cas). Oui, ces journalistes sont des charognards que le ressentiment est un fond de commerce pour tout le monde et pas uniquement pour Dieudonné. Il est même utilisé pour des « bonnes » causes, ce qu’on nous dit être des bonnes causes. Mais nous expliquer que les Serbes sont des génocidaires qui utilisent les mêmes outils que les Nazis, c’est un mensonge et c’est l’utilisation du ressentiment pour nous manipuler. Quand Kouchner prend le petit-déjeuner avec un président rwandais qui a tué des milliers de gens, ça ne choque pas les journalistes choqués par la poigné de main de Dieudonné. C’est ça le truc… Après la politique, c’est la politique et l’humour, c’est l’humour. Que chacun fasse son métier et basta. L’un, l’autre. Puisque c’est ainsi aujourd’hui.

C’est aussi de la haine de la part des journalistes qui ne cherchent pas à comprendre. Ne pas chercher à comprendre, c’est du mépris. Bien sûr, on pourrait dire à Dieudonné : « Laisse tomber, fais autre chose, tu alimentes la haine. » Je connais ces arguments. Si on pense que l’art vise à montrer le monde tel qu’il est, il ne peut pas occulter le fait de démonter les mécanismes qui font ce monde. Le sketch de Dieudonné sur les Pygmés est un bon exemple. Je n’ai pas les mots pour expliquer ce que ça m’a fait : il donne à voir un truc impossible à conceptualiser par sa façon de raconter, qui passe par l’humour. Et je respecte ceux qui donnent à voir. Par exemple, dans le même genre, quand un Juif raconte une blague juive (certaines peuvent très hard, crues sur eux-mêmes), c’est très drôle, parce que cela montre un certain recul par rapport à soi, une certaine lucidité sur l’humanité qui a souvent quelque chose d’absurde. L’humour peut être une soupape de sécurité. Et chacun a sa vision de l’humour, du drame, de la tragédie. Et vu que la politique met en rapport des forces, c’est compliqué. Si les uns ont une terre, un gouvernement, des lois, pourquoi pas les autres ? Je pourrais faire une longue liste. La politique est un combat des forces. Et nous sommes forcément en politique puisque nous sommes des animaux sociaux, nous les humains. Il n’y a pas d’ailleurs. Donc pour répondre à cette personne qui me disait qu’il voyait que je déraillais dans mon blog, je ne déraille pas parce que je parle de Dieudonné. Ou alors c’est mon droit de dérailler. Je ne suis pas pour le divertissement qui endort le cerveau des gens, je trouve que c’est aussi un acte politique malgré ce qu’on nous fait croire, et je pense qu’il est fort. Les marchands de non-sens ont une responsabilité. 

Peut-être que j’aurais de l’énergie pour expliquer Boulevard de la Mort de Tarantino pour un autre pote qui m’a dit qu’il ne voyait rien dans ce film. La puissance du désir, la puissance de la liberté d’une femme qui sait le désir qu’elle peut susciter, la tension du désir, la tension de la sexualité, l’attrait de la femme sur un homme, la violence d’un homme sur les femmes parce qu’il ne peut exprimer sa pulsion sexuelle que dans la domination, la destruction, la vengeance des femmes sur la violence faite. J’ai rarement vu les femmes filmées comme dans les derniers films de Tarantino : elles sont belles, elles le savent, elles sont libres, elles assument, elles maîtrisent, on voit leurs vergetures, leur cellulite. Je ne sais pas quoi dire d’autre à part que c’est extrêmement rare, que cette rareté en fait sa préciosité. Ce film dit toutes ces choses. Peut-être que pour le pote, c’est rien de voir le désir d’une femme avec autant de vérité. Moi je trouve ça passionnant un artiste qui s’intéresse au désir et en l’occurrence au désir de l’Autre quand il est un homme. Et ça aussi c'est rare. Les personnages féminins intéressants sont rarissimes au cinéma (les actrices sont moins payées, elles tournent moins de scènes). Je suis curieuse de voir le désir à l’œuvre, décrypter, comment ça marche… Là où je vois le désir, le pote met le mot rien. C'est drôle car je n'aimais pas Tarantino pendant des années. Je m'engueulais avec les potes qui aimaient et maintenant, c'est l'inverse. Je n'entre même pas dans une discussion sur Kill Bill

Je ne sais pas dire en quoi et pourquoi ça m'énerve et c'est là que j'ai un problème. Est-ce que je suis renvoyée à une non-reconnaissance qui est insupportable lié à mon lointain passé ? Est-ce si important que quand quelqu'un nous entende ? Si une petite fille dit : "le monsieur m'a fait mal" et que son père répond : "Non tu inventes une histoire", est-ce grave ? Et Pourquoi si oui ? Les Juifs sont bien énervés si on leur dit que les chambres à gaz n'existent pas. Dans le premier cas, c'est une plainte de petite fille qui s'en sortira quand le psy lui aura fait avaler la pillule vingt ans plus tard, dans le deuxième cas, c'est hors-la-loi et l'Etat paie des juges pour punir la calomnie. 

Comme dit Fred, pourquoi ça nous énerve ? Pour élargir le début, pourquoi l'absurde nous énerve ? Sommes-nous trop moraux ? Devrions-nous être nihilistes et cyniques à la Houellebecq ? Qui dit "pourquoi on se fait autant chier avec l'humain qui se croit des droits, qui se croit une dignité alors que non ?" Ce serait plus simple que ça ? A quoi montrer le viol des femmes si tout le monde s'en fout ? C'est vrai, après tout, pourquoi s'en plaindre ? Je vais en finir là. A l'absurde, à l'humour, à devenir comme docteur House. Ceux qui veulent du non-sens, ils sont contents : on est baignés dedans. Du non-amour, on est baignés dedans. Quelle joie ! Il ne faut pas oublier pourquoi Socrate s'est fait condamner à mort. Parce qu'on en est encore là. Vraiment. Il ne faut pas oublier pourquoi il a accepté la condamnation, non plus. Quelle classe, quelle intelligence. 

Quand j'ai vu Kill bill, j'ai tellement pleuré, c'était hallucinant. Pour moi qui ai tant été abreuvée de littérature, de cinéma qui ne parle quasiment que d'hommes, les héros sont des hommes, (on appelle ça l'homosocialité, j'en ai parlé il y a quelque temps) et qui ai donc été élevée comme un homme en quelque sorte (j'ai fait philo et cinéma : deux mondes d'hommes : j'étais en permanence en train de décrypter les oeuvres d'hommes), Kill Bill a été immense dans ma vie. C'était un homme qui disait : "Voilà ce que vous vivez dans l'ombre depuis des milliers d'années" et il montre une victoire, un combat. Nous étions sorties de Cendrillon. A part Tarantino, je ne vois pas trop d'autres réalisateurs qui envisagent des personnages féminins dans leur autonomie, qui les filment avec de l'amour, de la jubilation, du sens, de la rencontre. 

Tiens, y’a Indigènes à la télé. Les acteurs ont eu un prix (Cannes ?) et ils ont été plusieurs à avoir un prix. Normalement, c’est un prix = un acteur. Mais là c’était un prix collectif. Ils se partageaient le prix. Bah en même temps quand on regarde leur couleur de peau, bon bah, ils valent bien un cinquième de prix, non ? Entre nous… Hi hi hi !! Quand on voit le sujet du film, c’est à hurler de rire. Alors on va me dire : « Tu es dans le ressentiment » ? ou on va me dire « Ha ha, tu as remarqué ça… Tiens, tiens, c’est étrange » ? Mais ce n’est pas moi qui ai remarqué ça, c’est une amie. Mais je ne l’ai vu écrit nulle part. Ca ne doit pas être politiquement correct. 

Alors mieux vaut-il : serrer la main d'un connard d'extrême-droite ou celle d'un gentil monsieur de l'humanitaire (qui trafique de son côté) ? Cela me rappelle Pascal décrivant les demi-habiles, ceux qui se croient supérieurs sur la masse populaire parce qu'ils savent que Le Pen est un méchant. Peut-être Dieudonné est du côté de Pascal, encore faudrait-il qu'il trouve un Dieu qui le calme ? Ou alors il n'a pas envie de retourner la douleur contre soi comme le faisait en Pascal en se fouettant. Un truc est sûr : l'enfer est pavé de bonnes intentions. 
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18 mai 2009 1 18 /05 /mai /2009 10:04
C'est un livre de classe avec comme sous-titre "leçons d'observation au cours élémentaire", paru aux éditions de l'école en 1971. Sur l'étiquette, les noms et prénoms de mon cousin. Apprenons donc à observer.
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16 mai 2009 6 16 /05 /mai /2009 13:03

L’autre jour j’ai entendu un homme parler à France Culture (je suis désolée, je ne me souviens pas de son nom), il parlait du paradis et de l’Islam, ce fameux paradis où des vierges attendent les hommes qui, pour l’atteindre, ils se font sauter avec des explosifs dans des bus à Tel-Aviv (on se demande bien pourquoi). Il disait qu’en Islam, le corps de la personne allait avec lui au paradis. Ce qui change tout par rapport à la vision chrétienne (Saint-Paul et Platon méprisent l’incarnation terrestre, donc le corps, la vie au Ciel (le monde des Idées pour Platon), un ailleurs qu’on ne connaît pas mais qu’on espère et pour lequel on vit, serait sans corps et sans sens).

Si le corps du musulman le suit au paradis (puisqu’il n’est pas infâme, ce corps), on comprend quel plaisir il peut prendre à connaître ces vierges. Ce qui n’aurait aucun sens pour un Chrétien qui, lui, heureux de s’être débarrasser de son enveloppe corporel, n’aurait aucun intérêt à faire l’amour au paradis. Si le corps du musulman le suit dans la mort, on peut comprendre que se faire exploser change aussi de sens. Je ne suis pas assez calée pour en parler davantage, mais j’aime l’idée de changer de perspective pour voir autrement les actes des autres (et donc de voir quel sens cela peut avoir pour eux).

Cela m’a rappelé mon article sur le hammam. Cela me fait penser au voile. Voiler le corps, n’est-ce pas une façon de montrer qu’on sait qu’il existe ? N’est-ce pas montrer qu’il a une importance et que celle-ci a quelque chose de sacré ? Parce que quand je vois les publicités de troncs de femmes dans Paris (des seins, un ventre, des fesses qui, d’ailleurs, ressemblent de plus en plus au corps des hommes : on va bientôt devoir avoir des plaquettes de chocolat au nombril ! sachant que l’utérus est en dessous, c’est du délire) qu’il faut métamorphoser en dépensant de l’argent, en souffrant physiquement et psychologiquement, je suis renvoyée au mépris du corps de Saint-Paul. Y’a des intello qui écrivent ça et là qu’il y a un culte du corps dans notre société et que c’est abusé. Mais quel culte ? Il n’y a pas de culte quand il y a massacre. Savent-ils que des gens « moches » selon les critères de Kellogs (qui ne cherche qu’à faire de l’argent et qui s’en fout que vous soyez belles, mesdames) peuvent jouir ? Peuvent se toucher sans jouir ? Qu’on a même le droit de ne pas jouir, et on a le droit de jouir. Je ne vois pas de culte dans tout ce délire, c’est une torture, y’a rien à voir avec la beauté dont on nous bassine les oreilles. Sans parler de la chirurgie esthétique. Moi, j’adore les parures, tous ces trucs, je ne parle pas de ça. Je ne suis pas « pour » le voile, j’essaie de voir ce que c’est. Je ne défends pas les religions totalisantes, je me demande quelle femme est plus sereine : celle qui mange un haricot par jour à en perdre le goût de vivre ou celle qui cache ses rondeurs sous un large drap ? Dans les deux cas, où se situe leur liberté ? Quelle est leur latitude pour faire un choix ? Où est le mépris du corps ? Entre le découper à coups de scalpel ou s’empêcher de bouger à cause de vêtements encombrants ? En tout cas, il y a un endroit où la condamnation de la chair change tout : c’est dans la sexualité. Car des personnes qui assument leur chair ne se touchent pas de la même façon, surtout si, en plus, elles ont le droit à l’orgasme au paradis !

Je vous rappelle qu’en Iran, cet abominable pays décrié par Kouchner qui n’attend qu’une chose, c’est de leur envoyer la pâtée, les femmes divorcent sous prétexte que leur mari ne les fait pas jouir. L’église catholique interdit le divorce (aucun prétexte n’est valable, même pas la violence, même pas le viol : en effet on n’a pas de corps donc le viol n’existe pas). C’est lequel déjà l’axe du bien ? L’axe du mal ?

J’ai pensé à tout ça en préparant un article sur Je l’aimais car je suis un peu perdue. C’est un film sur le désir (sinon c’est sur quoi ? Vu que, lui, il ne l’aime pas, le titre est trompeur ! ou il y a quelque chose que je n’ai pas compris sur l’amour) et on ressent à peine le désir : on ne sent pas, on ne voit pas les corps : la réalisatrice les méprise totalement, au sens où ce n’est pas son problème. Elle s’en fout carrément et j’ai du mal à donner du crédit à une telle histoire (ces deux amants s’aiment parce que leurs corps s’aiment, ils ne s’aiment pas vraiment pour leurs échanges intellectuels !!!!!!!!! Ils ne se parlent pas d’ailleurs) s’il n’y a aucune prise en compte de cette problématique. Donc pas d’amour, pas de désir, pas de corps, pas de sexe… Alors c’est quoi leur problème ? Je n’ai pas bien compris, mais j’y reviendrai peut-être. C’est un peu à l’opposé de L’amant de lady Chatterley de D.H.Lawrence ou de La leçon de piano de Jane Campion.  
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15 mai 2009 5 15 /05 /mai /2009 10:58
Avant de parler de mon flash pour Béatrice Dalle dont j'ai lu une interview dans Rock'n Folk et de Je l'aimais (si j'en ai le courage ! J'ai déjà eu le courage de le voir) de Zabou Breitman, je voulais vous envoyer un texte de Sefyu dont je tombe assez amoureuse pour son album Suis-je le gardien de mon frère ?, il écrit mieux qu'Anna Gavalda (tous les textes sont bien écrits) et il est plus clair que le héros du film de Zabou ! et sa mise en musique, sa mise en scène de l'émotion sont maîtrisés. Moi je dis, ça bouge et ce qui bouge ne gèle pas. Voici celle que j'ai choisi car elle me pose question (celle que j'adore c'est Suis-je le gardien de mon frère ?) :

Plus

je t'ai proposé 1000 t'en as voulu 10 000
j'suis revenu avec 10 000 t'en as voulu 30 000
je t'ai proposé ma Peugeot, t'as voulu un merco
t'as jeté ta meuf sérieuse t'as choisi la grosse crasseuse
limité à 120 tu roules à 250
je t'ai proposé un verre et t'as fini dans l'alcool
je t'ai tendu la main t'as voulu me couper l'bras
je t'ai proposé un coq tu veux buter la volaille
t'es né comme un homme tu veux devenir une femme
on t'a proposé la terre tu veux décrocher la lune
t'acceptes de la baiser n'assume pas qu'elle est enceinte
accepte la vérité c'est Sefyu dans tes enceintes
combien issus du ghetto se disant fiers d'être du ghetto seraient prêts à voir leurs enfants grandir dans l'ghetto ?
on t'a donné le pouvoir t'as inventé la guerre
on a créé des couteaux t'as planté dans ma chair

Normal soit t'es cool ou brutal
on a qu'un sexe dans l'futal
content pas content c'est vital
toi tu veux tout ou que dalle
plus toujours plus on veut croquer dans l'excès jamais satisfait abusééé, rusééé on veut profiter sans s'faire baizer

On t'a donné la naissance t'as commis un assassinat
je t'ai donné ma confiance tu m'as montré ta rancune
on a fait poussé de l'herbe aujourd'hui on la fume
t'es tellement fou amoureux d'elle que criik tu la fumes
j'ai vu t'as go avec un mec et tu me dis que j'sui un gros jaloux
elle est partie avec lui là tu me dis que j'sui un gros batard
on a créée le mariage mais les hommes ont divorcé
je t'ai présenté le patron et toi t'as voulu me doubler
je t'ai fait voir la porte d'entrée tu m'as dégagé en sortie
la terre a de l'air pur mais les hommes l'ont polluée
pendant que tu cherches la solution moi j'fabrique des problèmes
tu m'as dit d'attendre un jour j'ai galéré pendant des semaines
tu m'dis rouge c'est rouge j't'ai apporté du rouge du coup nan c'est du jaune j't'ai apporté du jaune du coup nan c'est du vert je t'ai apporté du vert les hommes en veulent toujours plus été comme hiver

T'as pris des gros bras et tu fais la hagra
c'était la femme de ta vie aujourd'hui tu la bats
hier j'étais naze aujourd'hui j'sui un brave
hier j'étais Youcef et là tu m'appelles Sefyu
un jour numéro 1 un jour on me calcule pas
un jour tu m'sers la main un jour tu ne me voies pas
on m'a donné des larmes tu fais couler mon sang
on t'a donné un sexe t'en as fait ton instrument
on t'a donné un visage t'a fais d'la chirurgie
on t'a donné une bouche tu balances à la PJ
on m'a donné un micro j'ai inventé ruskov
on m'a donné un stylo j'ai rendu molotov

Sefyu 

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11 mai 2009 1 11 /05 /mai /2009 13:07
 Elle s'appelle Vicky, elle a dix jours. Elle est très choue. 
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10 mai 2009 7 10 /05 /mai /2009 08:24
Hier après la rédaction de mon article, j'ai été regarder le sketch de Dieudonné chez Fogiel, celui qui mit le feu aux poudres. Quelle déception. Car aucun intérêt. Je ne vois même pas où est la provocation. On nous dit depuis des décennies que personne n'a rien fait contre les chambres à gaz (y compris le mouvement sioniste en Israël qui savait...) et quand on dénonce l'extermination du peuple palestinien, on nous dit : "Fermez-la". C'est hallucinant qu'un si petit sketch déclenche ça. La Justice a donné raison à Dieudonné, n'en déplaise à Ardisson. Parce que antisémite (mot qui ne devrait pas exister, je suis d'accord avec Dieudonné) et antisioniste, ce n'est pas la même chose. Le sionisme est un mouvement politique bien spécifique. Je ne comprends même pas comment certains pervers qui passent dans les médias (pour ne pas dire qu'ils les possèdent) peuvent encore avoir le droit d'utiliser cet amalgame pour tirer la couverture à eux. En fait, ils n'en ont pas le droit  : la loi de notre pays fait encore la différence (faut en profiter tant qu'il est encore temps). Et ceux qui se croient au-dessus des lois sont des gens dangereux. Ils parlent à la télé sans aucun problème, elle leur ouvre grand ses portes. Et on sait tous pourquoi. 
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9 mai 2009 6 09 /05 /mai /2009 11:49
C'est quand même étrange qu'en France on soit si binaires, si amoureux des médias officielles qu'on sait à chier, si peu capables de décrypter soi-même un discours, une posture, le message d'autrui. J'ai regardé des sketchs de Dieudonné sur Internet suite à une conversation avec mon amie Keltoum. 

J'ai vu le décalage entre ce qu'on dit de Dieudonné dans les médias et sa parole elle-même. Les gens parlent de quelque chose sans connaître le quelque chose et ils se confortent à être manipulés. Je ne vais pas vous parler du propos de Dieudonné, allez voir vous-mêmes.

Il ne fait que regarder derrière le voile des illusions : "Le roi est nu" et on ne lui pardonne pas de dire ce que tout le monde sait. J'ai pu voir combien je suis encore saisie par ma naïveté et ma sentimentalité extrêmes (qui commencent toutes deux à me faire rire !). Car là est le point aveugle : je ne comprendrai jamais (je veux bien encore essaie) pourquoi il faut se taire. Dieudonné non plus. Les dupes, les autres : être dupes, ça leur sert à quoi ? Est-ce qu'ils ne peuvent réellement pas réfléchir, élaborer, aller un peu plus loin que le discours biaisé des journalistes qui n'en sont pas ? Ca leur coûte quoi d'aller voir le discours de Dieudonné pour se faire une opinion eux-mêmes ? Peut-être n'ont-ils pas la capacité ou les outils de se forger une opinion... Puisque tout est fait pour que les gens n'apprennent pas ces outils. On empêche les gens de développer leur esprit critique et les gens, ça leur va. Pourtant y'a les outils, mais non, ils ne les prennent pas. Moi j'ai eu une mère qui m'a toujours condamnée parce que j'ai pris les outils (qui étaient chez elle en plus ! C'est là où ça devient complexe et tordu grave) : je réfléchissais et j'écrivais. Quelle horreur ! Et en plus j'étais jolie et j'aimais les garçons. Quelle horreur ! Mon père, lui, m'a dit : "Ton frère on lui a payé ses études parce que ton frère lui faisait des études sérieuses." Bah ouais moi je faisais de la philosophie. Mon grand-père a condamné la philosophie dans son ensemble (!), mon père a appliqué cette condamnation. Subtilement. Ah c'est subtil ! Comme un ami de l'âge de mes parents me dit: "Toi t'es un peu comme moi, comme tu parles, tu parles, on ne t'écoute plus. Comme tu dis la souffrance, on pense que tu baratines."

Et l'autre jour, un garçon me dit concernant un article du blog (dans lequel il était concerné : "J'étais censé...") qu'il trouve mon autocensure con. Sait-il ce que c'est de se faire atomiser son enfance, son adolescence et après par sa famille parce qu'on a un avis et des positions sur les choses ? Pas pour cet avis, mais à cause du fait d'avoir un avis ? Sait-il ce que c'est d'entendre sa mère dire : "T'es pauvre parce que tu l'as voulu. Tu as voulu être écrivain et artiste, donc tu as choisi d'être pauvre. Sinon tu te serais mariée avec un pharmacien" ? Le garçon ne se demande pas comment je suis arrivée à m'autocensurer pour me protéger. Il ne cherche pas à connaître l'histoire et ça n'a aucune importance en soi. Il a le droit de ne pas vouloir la connaître. Les gens prennent l'histoire en route et ne remontent pas à la genèse alors que c'est ce qu'il y a de plus intéressant.

Les gens qui critiquent Dieudonné sans connaître ne cherchent pas non plus à connaître l'histoire en entier. Ils te disent : "Inviter Faurisson, ça ne se fait pas." D'abord, pourquoi ça ne se fait pas ? C'est comme les gens qui critiquent le féminisme et les féministes sans rien savoir du féminisme. Tout est comme ça. C'est ça qui est flippant. J'ai voulu savoir plus sur le parcours de Dieudonné (pourquoi Elie Semoun dit à canal Plus  : "Diendonné, jamais entendu parler" avec un air prétentieux alors que mon amie Keltoum l'a vu à un spectacle de Dieudonné, rire et lui serrer la main à la fin !) Cela veut dire q'Elie Semoun ne peut pas dire publiquement qu'il va voir Dieudonné.

Comment Dieudonné en arrive-t-il à appeler Le Pen ? C'est ça qui est intéressant, c'est comment quelqu'un en arrive à commettre tel ou tel acte : comment on devient féministe ? Comment en arrive-t-on à haïr ses parents ou son conjoint ? Comment peut-on traverser le conflit et tendre au dénouement ? Comment une femme en arrive-t-elle à s'autocensurer face à deux jeunes hommes ? Comment un homme avait peut-il devenir pervers, comment un homme avait pu en tuer un autre ? Il s'agit de l'étonnement (philosophie merci !) face au vivant. Et Dieudonné fait partie de ces hommes qui m'étonnent. On a le droit de s'insurger du fait que certaines choses soient sacrées et d'autres pas. Dieudo, lui, est un peu focalisé sur les Blacks, ok. Moi sur les femmes parfois. On ne peut pas insulter ou critiquer la politique israélienne, en revanche persécuter une femme, oui, les gens en ont rien à foutre ! Elle le mérite celle qui se fait persécuter. Il y a ce rappeur de merde là en cemoment qui passe au printemps de Bourges avec des textes infâmes. Si on remplaçait le mot femme par juif ou noir ou arabe, cela ferait un tollé, ça serait interdit etc. Mais non femme, ça ne dérange personne. Ou trois, quatre pelés qu'on traite de réac ou de sensible. Faut dire qu'on a raté le coche : il fallait se rassembler, ce qui est la grande force du mouvement sioniste. Quand on mène une guerre, il faut faire corps et les femmes en sont incapables. Elle se sont plus tuer que les Juifs en France pour cause de ce qu'elles sont. Personne en a rien à foutre à part nos trois, quatre pelés par an. 

Moi, dans ma famille, on m'a appris des valeurs : on ne dit pas de gros mots, mais en revanche, tu peux te faire harcelée, malmenée, maltraitée, voire violée, on s'en fout. Et je pourrais en faire des listes ! C'est pour ça que je dis des gros mots. J'ai payé le tribut pour en dire. Je comprends Dieudonné, peut-être par identification. Quand tu paies la facture avant d'avoir commis le délit, après tu as carte blanche, tu y vas. Quand ta mère te traite de pute, bah tu hésites moins à te faire payer. Sauf que j'ai été moins pute que la plupart des femmes. J'ai été avec des hommes qui ne gagnaient pas beaucoup, rarement plus que moi. Je ne me fais pas invitée au resto ou offrir des choses pour coucher. Je suis vraiment clean. Je ne dois rien à personne et c'est moi qui me fait traiter de pute. Je ne suis pas prête de comprendre. 

Pourquoi y a-t-il de bonnes et de mauvaises victimes ? Une bonne et une mauvaise mémoire ? Une bonne et une mauvaise Histoire ? C'est insensé et absurde, mais c'est le résultat d'un travail construit et efficace. Pourquoi la majorité ne veut-elle pas savoir alors qu'elle en est victime ? Ca, je ne comprendrai pas. J'ai ressenti de telles joies à apprendre, connaître, comprendre, revenir sur la compréhension de certaines choses que, tout à coup, je ne comprenais plus et hop' le processus de connaissance était relancé. Spinoza parle très bien de cette joie, de la soumission volontaire et du confort qu'elle peut représenter pour le commun des mortels. Il faut se rappeler que Spinoza n'avait pas publié son Ethique parce qu'il avait peur de représailles. 

J'ai appris des choses en regardant Dieudonné : cela ne veut pas dire que j'adhère à tout, cela ne me salit pas de regarder des choses qui sont éloignées de moi et d'ailleurs je vis dans un monde où la majorité a voté pour Sarkozy, où la majorité des femmes vivent à l'opposé de mes valeurs donc Dieudonné, ce n'est pas rien en contraste avec ce décalage quotidien, au contraire, quelqu'un qui dit, cela me change des non-dits. Je préfère quelqu'un qui dit, même s'il dit des choses différentes de moi, que quelqu'un qui n'a rien dans le cerveau, le froc et le coeur comme les trois-quarts des gens. J'ai mieux appris et compris sa démarche. Il y a quelque chose qui ressemble au nettoyage. J'ai ri et ce rire m'a fait un bien fou. Il y avait de l'air dans mes poumons, plus d'amplitude dans mes neurones. Il y avait quelque chose de la liberté dans notre société étouffante et asphyxiante au possible. Ce qui bouge, ça donne de l'énergie, ça crée un espace d'expression et de création.  
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3 mai 2009 7 03 /05 /mai /2009 10:30
L'autre jour, je suis allée au hammam. En bas de chez moi.

J'ai payé un gommage et une vieille femme a fini par me trouver pour me gommer. Elle avait un ton un peu dur, s'exprimant à mi-mots, me donnant des ordres brefs. Elle me demanda si j'avais un gant ? Non, du savon noir ? Non. "Ah, tu n'as rien". Vas-y allonge-toi ! et je m'allonge sur un tapis en plastique posé à même le sol. Elle se met à me frotter avec énergie. Je suis sur le ventre. Elle me demande ensuite de me retourner : elle passe sur tout mon corps d'où les peaux mortes sortent. Elle me dit que je dois le faire une fois par semaine chez moi. Quand c'est fini, elle me montre le petit lavabo qui m'est destiné, elle me dit de me tourner, me demande mon savon et me lave le dos : " Sors ton shampooing, commence par te laver les cheveux." Je me suis sentie comme amollie, attendrie, j'ai lavé ma peau des peaux mortes, je l'ai remerciée. Ca m'a fait une sensation étrange. Ca faisait comme de l'air qui entre dans une fente et ça émeut. Mais l'émotion n'a pas de nom. C'est à peine une émotion. 

Plus tard, alors que j'avais encore passé du temps dans la salle où la vapeur sort d'une sorte de fontaine en métal avec une ouverture recouverte de laurier, je la revois, elle me dit en remarquant mon slip : "Va dans la douche, retire ça et lave-toi bien tout ça." Elle hoche la tête l'air de dire : "Ah là là, quelle empotée celle-ci". Ici, c'est la vie de se toucher tout au long de la vie. Elles se touchent, le rituel de venir aux bains pour se nettoyer des impuretés physiques et psychiques, d'entrer en méditation dans un endroit clos, sous terre et chaud, de laisser la chaleur nous attendrir les muscles, de faire le point loin de l'agitation et de rendre la peau douce, de faire une coupure par rapport à la vie d'occupation. C'est agréable de voir des femmes être des femmes dans leurs paroles, leur présence, leurs poils, leurs odeurs, leurs complicités. Ici, c'est normal de se toucher. Ca fait circuler le sang et l'énergie. Ca calme, ça nettoie, ça materne. Je me souviens de Saint-Paul qui condamna l'enveloppe charnelle dans ces lettres et l'occident en est encore là. Mais on est tombé sur la tête ou quoi ? Dans les villes, les gens s'étiolent de ne pas se toucher, et sans doute de ne pas s'émouvoir. Que c'est bon d'avoir un corps, d'être dans un corps, de marcher dans un corps, de regarder avec un corps, de se poser dans son propre corps, de rencontrer cette femme qui voit où ça cloche chez moi, qui m'accorde quelque bienveillance en quelques mots, en quelques gestes, qui m'offre sa paume de main pour de la mousse de savon sur mon dos qui souffre tant. Je souris, je me répare ma poupée délaissée. Il n'y a plus la peur de l'effondrement, l'effondrement a eu lieu il y a longtemps. Il est à éprouver.

Dans les bulles de savon il y a du lien social qui se retisse, l'enfant sauvé, du baume sur l'impossible deuil et quand j'ouvre la porte, le soleil éclabousse le trottoir et le métro aérien. 
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