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21 avril 2009 2 21 /04 /avril /2009 10:27
Hier j'ai eu les boules en écoutant François parler des femmes, et aussi assez touchée d'écouter un garçon avec un point de vue sur ce sujet que mes copines et moi nous explorons tant et tant. Je me suis chopée les boules quand il a dit que les femmes seules le touchaient, Sébastien était d'accord. Je n'ai pas dit grand-chose à part que quand j'ai été seule (et en danger parfois), les seuls hommes que je voyais étaient des keufs. Qui m'a protégée ? Il y a donc comme un décalage.  

François parla d'âge. L'amour me semblait si loin de tous ces calculs. J'ai marché sur d'autres chemins, je me suis clouée les mains sur des croix et je ne pleure pas de pleurer. Je me demande si ces deux hommes savent ce que les femmes subissent. Les hommes subissent mais ça je le sais puisque j'ai passé une bonne partie de ma vie à réparer des hommes. Qui furent ingrats... Parfois. François et Sébastien ne m'ont pas demandé ce que j'en pensais. Je trouve ça bizarre que les gars tripent sur les jeunes alors qu'entre 30 et 40 ans on a la maturité et l'expérience qui fait qu'on est meilleures au lit et ailleurs. Décidément on ne se comprend pas. François disait qu'il préférait les femmes de cet âge et celles qui avaient une âme.Là j'ai failli m'étouffer. Je crois que mon âme et mon intelligence ont toujours soûlés mes mecs et qu'ils me l'ont fait payer. Après cette discussion, j'ai eu une insomnie provoquée par l'angoisse. J'ai relu le mail de Naomi où elle dit qu'elle laisse de côté le contrôle et qu'elle essaie d'être simplement elle-même. Hier soir François m'a dit par texto de ne pas m'en faire et ce matin j'ai envie de partager ma découverte de l'album sublime de Bashung qui s'appelle "L'imprudence". Cela m'enchante et répare ce petit couic qui s'ouvre quand on parle de solitude. J'ai retenu la phrase du petit Thomas qui non content d'un de ses textes dit : "Je ne suis pas content parce que j'ai lâché." C'est ça ce truc de ne pas lâcher que j'admire, c'est tout un travail de ne pas lâcher, de tenir. Peut-être cela a rapport avec la sexualité. Faut pas que le mec nous lâche.

Il faut laisser venir comme dit Naomi, et accueillir ce qui nous pénètre quand le coeur est ouvert. Je dois encore travailler pour lâcher-prise (ce qui n'est pas lâcher). En marchant, Sébastien m'a dit que j'avais une image déplorable des garçons. Mais il ne m'a pas demandé comment cela se faisait. Et je me suis dit que je devais travailler la névrose qui est de reprocher aux gens ce qui n'est pas venu. Je me suis tue. Sagement. Car la plupart des gens ne veulent pas voir tes blessures, tes couacs, tes couics. Ils te veulent, mais ils ne veulent pas le trou. Souvent je me suis sentie décalée parce que je ne comprends pas ça. Je ne comprends pas comment on peut vouloir quelqu'un sans le vouloir entier. Même pour deux heures. Maintenant je comprends ce que je ne comprends pas, mais je ne le comprends pas quand même. J'ai mis un mot dessus, mais sous ce mot, ça reste flou.

En tout cas il n'est rien que je n'ai pas donné aux hommes qui ont été dans mon lit, en moi. Quand Sébastien a dit sa phrase : "C'est dingue l'image déplorable que tu as des mecs", j'ai vu l'étendue du sacrifice (en même temps j'ai connu des choses que peu connaissent, c'était mon choix de vivre intensément, même les catastrophes), j'ai vu qu'en effet quand tu as de l'âge, tu as des cicatrices et que derrière chaque cicatrice il y a des souvenirs de guerre. Les cicatrices ça ne les intéresse pas, pourtant la sagesse vient quand on recoud ses plaies. Avec la sagesse, on sait le prix des choses. On a touché la beauté avec la peau de ses doigts. Je me souviens de quelqu'un qui avait des cicatrices sur le visage et le corps, je les caressais avec douceur. Je n'avais pas peur de ses couics. Pourquoi avons-nous besoin d'empathie ? Comme ça. Pourquoi n'avons-nous pas le droit à la consolation ? Quand on a tant consolé, quand on a une telle capacité d'empathie. 

Il y a Bashung, et son imprudence, la violence du printemps, les doigts sur le clavier, la dépression de la joie comme je dis. Je crois que je ne regretterai pas d'y avoir été même quand je n'aurai pas dû, de m'être brûlée les ailes à lutter contre les morts-vivants.

Je vais essayer de ne pas penser à ce qui n'est pas et vivre avec ce qui est (ah sacré Epicure !). Et faire avec le rien que les hommes aimés (entièrement aimés) m'ont laissé. Open hearted. 

"Laisse venir 

Tu perds ton temps 
À mariner dans ses yeux 
Tu perds son sang 

Tel Attila 
Tel Othello 
Tu te noircis 
Dans quoi tu te mires 
Dans quel étang 

À l'avenir 
Laisse venir 
Laisse le vent du soir décider 

À l'avenir 
Laisse venir 
Laisse venir 
L'imprudence 

Tu l'auras toujours ta belle gueule 
Tu l'auras ta superbe 
À défaut d'éloquence 

Tel Machiavel 
Tel Abel Gance 
Tel Guillaume Tell 
À quoi tu penses 
À quoi tu penses 

À l'avenir 
Laisse venir 
Laisse le vent du soir décider 

À l'avenir 
Laisse venir 
Laisse venir 
L'imprudence 

Tu perds ton temps 
À te percer à jour 
Devant l'obstacle 
Tu verras 
On se révèle 

Tel Perceval 
Tel Casanova 
Tel Harvey Keitel 

À l'avenir 
Laisse venir 
Laisse le vent du soir décider 

À l'avenir 
Laisse venir 
Laisse venir 
L'imprudence

Alain Bashung avec Jean Fauque, L'imprudence 
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17 avril 2009 5 17 /04 /avril /2009 10:08
J'ai lu une phrase (je la sors du contexte parce que trop long à raconter et à quoi bon ?), et comme je la trouve mignonne, drôle et belle, je vous la partage (ah ce vocabulaire des narcotiques anonymes - désolée) :

"Que les oranges s'épluchent toutes seules à ton passage." 
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15 avril 2009 3 15 /04 /avril /2009 14:10
 Certains Juifs disent que le Christ, c'est le ici et maintenant. La résurrection du Christ à Pâques serait la fin des comportements nuisibles et aliénants pour adopter une nouvelle vie, celle de l'incarnation ici et maintenant. 

Les premiers Chrétiens étaient persécutés, ils vivaient en secret. Pour se reconnaître ils traçaient un poisson (deux traits bombés qui se croisent, je l'ai dessiné il y a quelques mois) sur le sol avec un bâton.  
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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 17:52
L'autre jour j'ai rencontré un garçon qui m'a expliqué un truc sur les règles des filles. Il dit que c'est la guerre et que les hommes ont toujours une longueur d'avance car les filles arrêtent la guerre quand elles ont leurs règles. Les gars, eux, ne s'arrêtent jamais. Je ne sais pas si je suis claire. Lui a été très clair et cela m'a flashé comme c'était vrai. Il le déplorait et je me suis rendue compte comme c'était vrai. Sans parler du temps à être enceinte... C'était pour lui une des origines du patriarcat. 
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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 08:35
J'ai envie de vous dire sans être impérative : "Allez voir Ne me libérez pas, je m'en charge", documentaire sur Michel Vaujour qui passa vingt-sept ans en prison, dont dix en isolement (Q.H.S). Si vous avez lu l'article d'avant, vous aurez une des raisons  (entre autres) pour laquelle ça me touche. Mais ça touchera tous ceux qui se posent des questions sur l'humain, le sens d'une vie, le rôle du politique. Par exemple, les choix d'une société qui décident qu'une voiture est plus importante qu'une gamine de quatorze ans. Vaujour fait trente mois pour vol de voiture (il a à peine 20 ans je crois), Fourniret en fait trente-six pour viol sur mineur de moins de quinze ans. Je pense que ça a un peu changé maintenant. Mais c'était à l'époque. Je ne vais pas raconter le film, ni le parcours de Vaujour qui montre bien dans quel système politique nous sommes et en quoi il est absurde quelque part. Cette parole tombe juste quand Rachida Dati veut mettre les enfants de douze ans en prison. On sait que les pays qui punissent le moins avec des soins et des incarcérations adaptées ont le moins de délinquance. On sait sauf cette bande de dingues pour qui les Français ont voté.

Mais ce n'est pas le ton du film. Il s'agit d'un homme. C'est quoi un homme ? Un destin ? Vivre ? Donner du sens quand on est parti dans le non-sens de la toute-puissance (qu'est-ce qu'il en parle bien. Que c'est impressionnant quelqu'un qui comprend ce qu'il a fait !), comment la transformation des valeurs peut-elle s'opérer par la spiritualité comme Foucault dirait ? Comment reprend-t-on le contrôle sur l'angoisse, la peur de la mort, l'emprise de l'autre, le système qui broie de l'humain ? Comment se forme le self ? Comment la conscience se forme ? La parole, le regard de cet homme m'ont nourrie. Et je me rends compte comme je me sens frustrée de cette absence de parole en notre monde. Je dis souvent : "Ou sont les adultes ?" Ou sont ceux qui ont vécu et acquis des savoirs après leur expérience, qui pourraient transmettre ces savoirs ? Ou sont les sages ? Ceux qui ont vécu se taisent pour les raisons que j'ai expliqué dans le mail précédent. Il y a si peu de gens qui écoutent.

Cette parole est rare et précieuse, mes oreilles sont toute ouïes à ce type de parole. Il y a un moment où on arrête de s'échapper, de s'évader parce que la solution est d'aller au bout là où on est et qu'alors on voit ce qui se passe après... Principe de la méditation que j'ai mis tant de temps à comprendre. Contenir, tenir, avancer. Je me souviens de Stéphane qui voulait s'évader et faisait des plans incroyables, on avait des codes au téléphone pour en discuter, tout était en métaphore pour ne pas se faire griller par les matons. C'était un art poétique très développé ! Assez comique en définitive. C'était intéressant d'avoir des discussions sur cette éventualité qui revenait à discuter sur le respect de la loi, surtout quand elle est injuste. Je pensais qu'il avait besoin d'en parler, d'évasion, même s'il ne le faisait pas. S'évader, c'était encore garder le lien avec l'administration pénitentiaire, la justice, la Loi, puisqu'en cavale, on est poursuivi : on n'est jamais libre. On reste l'esclave du système. La meilleure façon de couper le lien est de sortir par la porte sans rien leur devoir. Mais ce n'est pas facile de couper ce lien. Ca peut paraître paradoxal, mais ce genre de gars cherche la confrontation avec le contenant, veut garder le lien avec ce qui répond : le système pénitentiaire. C'est tout le développement de Winnicot sur la délinquance et la déprivation. Si Stéphane était nourri par un autre lien, il n'avait plus besoin du lien avec ses bourreaux. Et il l'a compris et choisi. Il a compris que ce n'était pas de la soumission envers eux, mais sa liberté à lui de fabriquer autre chose là où c'était quasiment impossible. Je l'ai vu au fil des années se détacher du lien aux bourreaux. On voit bien chez Vaujour cette problématique du lien, du manque de lien, qui entraîne le manque de la confiance, confiance qu'il a retrouvée avec son copain de braquage, "c'était la famille", c'était le lien manquant jusque-là. Ce lien lui a permis ensuite de se construire lentement, très lentement (en passant par la destruction). Il avait connu le lien qui permet de rétablir un minimum de confiance qui fait que l'individu peut se construire. Quand on sait intimement que le lien est possible avec quelques autres, on est sauvé. Parce que c'est le lien avec soi qu'on construit. On peut être aimé et exister sans passer par la toute-puissance. Et c'est presque comme impossible quand on a perdu l'innocence.

Ouhaouh, les quelques phrases de Vaujour sur l'innocence sont à couper le souffle. Comment se reconstruire après la perte de l'innocence ? Il donne la réponse sans la donner. C'est cette chose qu'il a construit avec cette femme qui a perdu son innocence pour lui, mais a tout vécu par amour. J'ai vécu ça de voir quelqu'un vivant des choses tellement extrêmes et pouvoir tenir parce qu'il a quelqu'un à aimer, parce qu'il se sait aimé. C'est en ça que je sais que l'amour est une arme incroyable et que la manipulation en amour a la force et le pouvoir de tuer un être vivant. Je sais que j'ai encore du travail pour avoir une idée de ce que j'ai vécu avec Stéphane. Je ne saurai sans doute jamais la vérité, il n'y en a sans doute pas. Parce qu'en fait c'est complexe. J'ai toujours retenu une part de confiance. Et encore aujourd'hui. Il n'a jamais gagné ma confiance totale. Il y a des choses que je ne saurai jamais. Et lui non plus. Stéphane est du genre à zapper très vite les choses, Vaujour parle bien de ça. De cette radicalité radicale. Aujourd'hui je la comprends mieux. Il avait déjà perdu son innocence et il connaissait par coeur la mienne. 

Quand le film s'est fini, la femme à côté de moi qui avait pleuré pendant la projection m'a dit : "Il est sublime ce film", j'étais bouche bée. Puis je lui ai dit : "Vous avez  vu comment on construit un homme dangereux." Puis on a discuté. C'était mignon et un joli moment. 

"Quand j'ai pris la balle dans la tête, j'ai entendu quelqu'un dire "Celui-ci ce n'est pas la peine, il est mort" et j'ai pensé : "Tu n'as jamais été aussi vivant que moi." 

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7 avril 2009 2 07 /04 /avril /2009 19:34

J’avais été éblouie par l’intelligence de cet enfant, de l’ambiance dans laquelle il avait été élevé, de sa joie, de sa clairvoyance, de son gentillesse. Je l’ai gardé trois ans presque tous les jours et quelques soirs. C’était mon premier travail (je travaillais contrairement à mon frère qui, lui, avait ses études payées par mes parents, mon père dira que c’était parce que mon frère faisait des études sérieuses et pas moi), j’étais en double cursus, je travaillais, j’écrivis mon roman.

Je ne l’ai pas vu depuis qu’il a sept ans, il en dix-neuf. Je l’ai revu hier. Il m’a dit qu’il ne me reconnaissait pas, qu’il n’avait pas de souvenirs. Comme j’écris sur mon enfance, je me dis que c’est hallucinant le trésor que les parents ont sur un être neuf, frais, joli car moi je me souviens de lui, enfant, dans des détails, ce que je lui mettais dans le biberon, du fenouil que je faisais cuire, du Livre de la Jungle qui était son obsession, des histoires que je lui lisais, de la chanson de Renaud sur laquelle il posait des questions. Quand je rencontre un homme, je pense à lui enfant. A son visage quand il dort comme quand je regardais le petit Thomas dormir. Quand je l’ai vu hier, j’ai eu ce sentiment qu’on peut sans doute avoir quand on a élevé un enfant. C’est peut-être ce qu’on nomme l’amour inconditionnel. C’est un truc qui est là, doux, sans agitation, sur lequel le temps n’a pas de prise. C’est un truc qui va de moi à l’autre, sans attente de ma part. Thomas a toujours cette intelligence spéciale que j’ai rarement rencontrée, une force venue d’ailleurs.

Quand je vois mon regard émerveillé et bienveillant sur lui, c’est là que je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse détruire quelqu’un. J’ai voulu aller voir le monstre, et je me souviens avoir dit à celui qui n’a pas d’empathie : « Je veux te regarder jusqu’à ce que mes yeux changent de couleur, parce que je dois le traverser, parce que je dois mourir à ça, je dois aller dans la grotte, je veux comprendre comment ça marche, la haine, la destruction. » Je me souviens la première fois que je suis allée voir Stéphane en prison. Je n’avais jamais fait le lien avec mon enfance. J’ai eu un frisson en franchissant les portes pour aller au parloir, et après l’avoir vu et rencontré, j’ai regardé autour, et il m’a dit : « Lui, c’est un violeur, lui, il a tué des gosses, lui… » et je les ai regardé. Je me souviens de moi demandant à Stéphane : « Ca fait quoi de tuer quelqu’un ? » Je me souviendrai toujours de son regard. J’ai vu les violeurs passer leur main sous la jupe de leurs meufs venues les visiter en prison, j’ai vu les regards de ces meufs, je sais comment on arrive là. Quand on n’a pas été aimée, mieux vaut la main d’un violeur sur sa peau que rien. Je me souviens de Stéphane me prenant la main, des bouts du gâteau au chocolat que j’avais fait pour lui et que j’ai passé en cachette des matons traînant dans les poches de mon pantalon, je me souviens de l’état de ma peau quand il a touché mes mains, je sais que je voulais le regard d’un homme qui tape des violeurs dans le douche sur mon corps. Je me suis rasée la tête pour aller le voir, nous étions tous les deux le crâne nu. J’ai fait un truc étrange : je lui ai donné un truc incroyable à ce mec et je n’ai pas accepté de recevoir ce qu’il voulait me donner. J’ai eu peur. J’ai eu peur de m’abandonner.

Je ne comprends pas l’indifférence. Je ne comprends pas l’indifférence d’une mère face à sa petite fille qui a été massacrée en bas de chez elle. Mais j’apprends à la regarder, j’apprends aussi à regarder la lumière, l’intelligence, ce qui brille.

François m’émeut quand il me dit que j’ai besoin de protection, mon mentor avait dit pareil. « Vous, on a envie de vous protéger. » Pourquoi ? « Parce que vous êtes une fille. » Bah, personne ne m’a protégée. Alors je ne suis pas une fille. Ce qu’on m’a fait (c’est ce qu’on fait à plein d’autres), je le raconterai autrement dans mes romans. J’ai remarqué que quand on dit aux personnes les choses de façon frontale : « Je suis battue, je suis violée, je suis harcelée, je suis victime, j’ai été dans des camps de concentration, j’ai vu des milliers de gens partir en fumée. », les personnes ne t’écoutent pas. Je me dis que raconter est tout un processus qui est de ne pas dire frontalement, mais d’emmener le lecteur dans un labyrinthe où il faut faire en sorte qu’il puisse entendre. Le mettre en condition pour qu’il accepte d’entendre. Je suis sûre que des tas de gens se sont suicidés après les camps ou des traumatismes parce qu’ils n’ont pas été entendus, qu’ils n’ont pas pu parler : c’est invivable.

Je me souviens avoir demandé à Stéphane : « Raconte-moi l’histoire pour laquelle t’es en taule pour 16 ans et demi.» Je pense qu’il m’a menti en partie. Je lui ai dit : « Tu sais, quoi que tu aies fait, tu peux être aimé. » Je me dis aujourd’hui que je disais ce que je voulais qu’on me dise. Mais je n’en avais pas conscience. Je n’ai plus vu Stéphane et j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit le contraire de ce que j’avais dit à Stéphane : « Quoique tu fasses, je ne t’aimerai jamais. » C’est en même temps maintenant assez reposant d’avoir cette liberté, d’avoir cette certitude au creux de soi. D’avoir un temps compté et de s’habiller comme on veut comme dans une cellule monacale. A la question : « Vous avez seulement le nez de refait ? », Ophélie Winter répond : « Non, y’a ma chatte aussi. » C’est trop fort. Quand on ne s’aime pas comme on est, c’est qu’il s’est peut-être passé un truc à la chatte. Mais bon personne ne l’entend. Tout le monde se dit : « Ahahah ce qu’elle est drôle ! » Elle dit tout sur ce qu’on demande aux femmes…

François dit que j’ai perdu mon insouciance, mon pétillant, le truc qui faisait que j’étais si sexy et jolie quand il m’a rencontrée. Faudrait que je me fasse refaire le nez ! Je sais pourquoi et comment j’ai perdu ce truc pétillant. Et ça me fout les boules. Ca me fout vraiment les boules, j’ai envie de hurler.

Mon mentor me dit : « Pourquoi vous n’y allez pas à fond ? » J’ai été au parloir, j’ai regardé son regard, j’ai vu ses doigts rongés par ses dents, j’ai aimé son odeur, j’ai passé des heures à écrire, des lettres, des romans, des nouvelles, des mémoires de maîtrise. J’ai cherché. A l’épuisement. Peut-on y aller à fond quand on a été construite avec une colonne vertébrale en caoutchouc ?

En voyant Thomas hier, la seule personne que j’ai materné un temps, un rien dans sa vie, je réalise ce qu’est la naissance d’un être, la naissance à soi, l’amour reçu, l’amour donné. Je sais qu’un être se forme dans sa propension à savoir donner un délai à la satisfaction de son désir. Et ça se voit vite. Comment le jeune enfant prend son biberon, comment il le savoure, comment il gère son désir et son plaisir, comment il porte les aliments à la bouche, comment il apprécie. A deux ans, Thomas qui a parlé très vite, disait que c’était bon la nourriture que je lui faisais et je le voyais sur son visage : le plaisir, le plaisir de savourer, et le rire que nous partagions. J’avais peur qu’il ait faim, il le comprenait et me rassurait toujours : « J’ai assez mangé, j’ai bien mangé. Viens me lire une histoire. » Etre au clair avec son désir, son plaisir, dans la confiance. Il était élevé dans la confiance. Et j’ai profité de cette confiance. Je m’en suis nourrie. Il avait deux ans !

Je me souviens de l’autre qui adorait une photo de moi enfant, sans doute parce qu’il savait que c’était elle, l’enfant, qu’il manipulait. Le monstre veut ce sexy et pétillant dont François parlait. C’est ça que Fourniret prend aux filles qu’il viole et tue. Parce qu’au moment où elles meurent, ce sexy et pétillant meurt, et il croit intimement que ce pétillant est passé d’elles en lui. C’est ça le mécanisme que j’ai compris à force de regarder tout ça. A observer. Je ne suis pas sûr qu’il y ait des gens mauvais, absolument.

Il y a une différence entre vouloir plaire à son objet de désir et aimer, entre décider de ne rien craindre et retenir en calculant la probabilité de perdre.

Voilà, en plus j’ai fait un rêve incroyable. Mais c’en est assez pour aujourd’hui. Je n’ai pas écrit mon roman et je dois aller travailler.

Yemy m’a dit qu’il veillait. 

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6 avril 2009 1 06 /04 /avril /2009 11:54

Hier soir, quelqu’un m’a dit que j’étais une bonne personne. Par sms.

J’ai pleuré comme une madeleine. Mais je ne lui ai pas dit. J’ai rien dit. J’ai remercié les sms d’être silencieux.


J’avais relu les cahiers que j’avais écrit ces dernières années pour pouvoir survivre à l’incroyable expérience que je vivais. J’étais sidérée face à ce que je subissais. J’étais aveuglée, je ne voyais pas, mais j’écrivais pour pouvoir voir inscrit ce que j’expérimentais. Mais je ne voyais pas. Toujours pas.

Hier j’ai sorti ces pages, je n’ai pas pleuré face à la violence que je lisais, je ne pouvais toujours pas réaliser que j’étais le personnage qui avait vécu ce que je lisais et encore moins que c’était ce même personnage qui avait écrit ces pages. C’est pourtant mon écriture et je me souviens des faits. Il y a un mécanisme qui fait que je décale.

L’autre jour, j’entendais une biographe de Virginia Woolf dire que pour Virginia, tout ce n’est pas inscrit n’existe pas. J’ai compris la phrase en relisant les cahiers, c’est inscrit, donc ça a existé. Et c’est pour cela que j’ai passé autant d’heures à écrire ce que je ressentais parce que j’étais perdue dans sa manipulation, le nez collé à la vitre.

J’ai compris aussi que je n’avais rien fait de mal. La seule chose que je n’ai pas su faire, c’est de ne pas savoir me protéger, protéger ma personne, protéger ma bonne personne parce que je ne pensais pas qu’elle existait. Je croyais l’autre quand il disait que j’étais mauvaise, que c’était de ma faute si je pleurais, si tout cela arrivait. Quand il disait que j’étais une pute, une salope et que je devais être remise dans le droit chemin.

Je réalise que si j’ai accepté ce discours, c’est que j’ai été élevée dans le même. Qu’il m’a formée.

Alors quand quelqu’un me dit que je suis une bonne personne, c’est comme si j’entrais dans un autre monde. Ca m’a fait un réel choc. Je n’ai même pas de mots pour l’état dans lequel j’étais hier. Je ne sais pas si c’était douloureux ou pas. J’ai compris que l’autre, celui des cahiers, savait que j’étais une bonne personne, mais qu’il faisait tout pour que je ne le sache pas. Mes larmes, c’était comme l’apparition d’une révélation énorme, une véritable révolution copernicienne. La terre n’est pas plate, elle est ronde… jusqu’à nouvel ordre. C’est, je crois, une chose inexplicable à ceux qui ne savent pas ce que c’est de vivre en se croyant une mauvaise personne pendant que des gens, sachant ma douceur, exploitent cette impression négative que j’ai de moi. Mais une douceur sans force, c’est si facile à manipuler, à trafiquer, à pomper. Mais je comprends que la force et la douceur dans le même shaker, ça doit permettre de faire avancer le voilier que je suis, et d’aller droit devant. Et d’être un sujet digne de ce nom. J’ai comme le droit de vivre.

C’est dans ces conditions que je commence la lecture de Michel Foucault, L’herméneutique du sujet, qui traite de ce concept socratique (qui existait avant Socrate) qui est le souci de soi (s’occuper de soi) plus important que le « connais-toi toi-même », qui a disparu (le souci de soi) avec au 4ème siècle de l’ère chrétienne, on imagine pourquoi. Nietzsche en a bien parlé : on a asservi les gens à la « bonne » morale du sacrifice de soi pour l’autre.

Foucault me fait un bien fou, c’est comme si je me retrouvais (à la maison) après une errance de trente-huit ans. Je tente de m’occuper de cette personne qui est moi, et sans doute si je m’en occupe bien, je serai à même de voir la bonne personne en elle et aussi la mauvaise, mais pas que la mauvaise. Alors, je pourrai m’occuper des affaires de la cité.

Et écrire, car je commence à comprendre comment ça fonctionne l’exploitation d’autrui par autrui. La violence est possible parce qu’on n’apprend pas à s’occuper de soi, là Michel Foucault est fabuleusement clair, précis et généreux, et que si on ne nous apprend pas à savoir nous soucier de nous, c’est un choix politique des pédagogues, des politiques, des religieux. Socrate a dit avant de mourir : « Si je meurs, qui dira aux jeunes qu’ils doivent s’occuper d’eux ? » Bah, personne et nous sommes restés des jeunes abandonnés pendant plus deux mille ans. Voilà pourquoi des manipulateurs ont un autoroute devant eux, ils savent que nous n’avons pas cette force que procure l’estime de soi, le souci de soi qui nous permettrait d’être solides. Ils savent reconnaître les petites filles qui n’ont pas acquis cette colonne vertébrale, car nous ne naissons pas avec. Cette longue et précieuse tradition du souci de soi aboutit à une défense du sujet. Elle est fournie en indications, c’est une véritable éducation, une arme, une protection d’un prix incroyable. Mais voilà, elle doit être enseignée, reçue, transmise. Socrate parle de l’amour des aînés qui n’existe pas puisqu’ils n’enseignent pas aux jeunes comment se soucier d’eux afin de devenir des bons politiques. Ces aînés ne font qu’abuser des jeunes parce qu’ils sont beaux, mais les laissent démunis sans la transmission. Le manipulateur a tout fait pour que je n’ai pas l’énergie de m’occuper de moi, mais il a pu arriver dans ma vie parce que j’avais des trous dans le cerveau et le cœur.

Avec le travail dans la grotte, je sais ce qui me fait jouir, je sais jouir, je vais savoir écrire et avoir des étincelles dans les yeux quand mes doigts tapent sur le clavier de l’ordinateur, parce que j’ai toujours eu des étincelles. On m’a juste dit que c’était mal d’avoir des étincelles. Je sais que l’amour c’est de dire à l’autre qu’il doit s’occuper de lui, avoir du souci pou lui, pour qu’il ait un self, qu’il soit un sujet et sujet, il pourra avoir accès à la liberté. La liberté du sujet. Et là, ma toute-puissance est alors relative, elle se transforme en amour.

Je comprends la phrase de mon mentor : « Vous êtes dessinée pour le bonheur. » Mais je ne l’entends et la comprends que maintenant.  
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3 avril 2009 5 03 /04 /avril /2009 09:46
Les mains dans le brouillard et mon orgueil en bouche
Comme une bête tient sa proie ou ses petits,
Je respire, je vais. Le monde me saisit,
Les couleurs de la vie autour de moi se couchent.

Bariolé de sang, chargé d'un picador,
Le cheval éventré trébuche dans sa traîne.
Ainsi je porte au dos mon brillant capitaine,
Je sens les éperons d'un ange chercheur d'or.

Mais la belle vivante aux mains immaculées,
De feuillage, de ciel, et de formes ailées
Couvre le champ désert où je plantais mon pic.

Filon d'or égaré sous l'herbe, qui scintille !
Faiblesses de l'amour dans un jardin public...
- L'ange que je portais saigne comme une fille.

Odilon-Jean Périer (1901-1928) 
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3 avril 2009 5 03 /04 /avril /2009 08:48
 A la sortie de mon immeuble, il y a un arbre. Et un nid dedans. Juste en face de la fenêtre de mon voisin. Celui qui a totalement disparu pendant l'hiver et réapparu avec les beaux jours. Je ne comprends rien, mais bon j'ai décidé de m'en foutre : il est un extra-terrestre, un personnage de Kafka. L'absurde d'être humain. Allez faut pas que je m'énerve surtout après la conférence hier de Mix-cité sur le sexiste de la première heure.  Comme quoi on sélectionne les naissances selon le sexe... Tu m'étonnes que je me sente mal dans la société. Notre destin a pour base l'aléatoire et la probabilité et toute société a plaqué des représentations pour faire société. On a été les grandes perdantes. Mais nous étions une dizaine, donc je crois que tout le monde s'en fout. C'est le jeu de dé qui fait que l'homme qui a été violent avec moi a pu se le permettre, parce que la société lui a donné le pouvoir de le faire juste parce qu'il a un sexe et pas un autre, et ce grâce à un truc de probabilité. Bref, je vais aller voir l'état du nid et me fondre dans le grand tout. 
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1 avril 2009 3 01 /04 /avril /2009 10:52
Je ne pensais pas que j'aimerais ce film. J'y suis allée pour trois raisons qui me sont chères : Calais, les migrants et la natation. Et j'ai bien aimé, contre toute-attente. Je ne vais donc pas parler des défauts qui sautent aux yeux et bon, il faut savoir qu'en France la production a opté pour un genre de films, sacrifiant les autres. Au cinéma, on produit des téléfilms. Le cinéma n'est plus un genre de la création (à part de rares exceptions que je ne peux même pas nommer). C'est donc pour cela que c'est à l'étranger que cela se passe, la création.

Welcome a quelque chose du mélo qui énervera les intellectuels qui refusent les larmes. Et quelque part, on ne peut plus rien attendre du cinéma français. Il est sinistré.

Moi j'ai pleuré comme une madeleine (je ne devrais pas le dire, mais je le dis) parce que j'y retrouverai ma bonne problématique de l'amour qui est asocial. Tout ça, ce sont des gens qui s'aiment et ne peuvent pas trouver leur place avec leur amour. C'est l'histoire d'une rencontre improbable entre Vincent Lindon et Bilal, or toute rencontre est improbable. Et encore plus dans notre société où on ne peut plus fumer une clope dans un bar. Ces compartimentations des individus sont mortifères et elles nous donnent l'impression d'être en sécurité. C'est ça qui est beau dans ce film, c'est de voir la frustration qu'engendre ce monde où chaque individu est dans sa bulle. Lindon est largué par sa femme et on a du mal à comprendre pourquoi puisqu'elle le regarde avec des yeux de merlan frit quand elle le croise, elle en devient même énervante. Elle couche avec lui pour dire ensuite "ah non, faut pas qu'on couche". Bah, vas-y couche avec lui, jouis et arrête de faire cette gueule de frustrée. Parce qu'on se demande pourquoi elle a un nouveau mec si c'est pour tirer une telle tronche. Lui, quand il arrive à voir le jeune homme dans sa motivation de vie, a vraiment son coeur qui s'ouvre après un temps de résistance. Comme dans le conte de la femme-squelette quand le pêcheur regarde cette femme toute patraque et qu'il est ému au point de démêler ses os. Lui, il a dû perdre sa femme qu'il aimait sans doute pour cause d'immobilisme et d'indifférence (il était dans sa bulle, sans avoir conscience qu'il appartenait à une humanité) pour se réveiller. Et il y a les deux jeunes qui sont sacrifiés puisque les adultes ont érigé des murs entre les individus pour mieux parfaire leur sécurité. Ils sont tués dans l'oeuf. Ils ont la liberté, la force, l'amour, la beauté. Mais le monde n'a pas beaucoup de place pour de telles choses. En dehors du monde, (Jésus disait qu'il était dans le monde, mais qu'il n'était pas du monde, je crois qu'on vit comme ça quand on est dans l'amour : cf. Vie secrète de pascal Quignard, cf. L'invention de la culture hétérosexuelle cité précédemment : l'église chrétienne a inventé le mariage pour lutter contre l'amour courtois ! Et y'a des femmes mariées qui se plaignent.). DansWelcome, l'amour existe hors-mariage tant pour Lindon que pour Bilal, le mariage tue la relation entre Bilal et Mina. Il provoque même la mort du jeune migrant. Au moins une fois que l'amour est là, les barrières ne l'arrêtent pas. La mort n'est pas une barrière, elle semble être autre chose. Lindon va au bout de sa démarche parce qu'il avance le coeur ouvert. Bilal aussi.

C'est étrange de voir un jeune homme avoir une telle volonté pour retrouver son amoureuse. Mais maintenant je me dis bien que se comporter en amour en ce monde mène à la mort. 

J'ai regretté qu'on ne voit pas plus Calais. Le cinéma français étant principalement constitué de téléfilms a pris l'habitude de filmer en plans serrés (on se demande à quoi ça sert d'aller au ciné) donc tant pis pour la lumière du nord, les plages, la mer, les rues de la ville. Mais c'est une bonne idée d'avoir traité ce sujet, depuis le temps qu'on les voit marcher dans les rues de Calais, ces gars !
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